Les animaux s’accouplent et satisfont tous leurs besoins naturels en public. Pourquoi les être humains ne font pas la même chose ?

C’est parce que le sentiment ou la vertu de pudeur est inscrite au plus profond du cœur de l’Homme comme signe du respect de son intimité et de sa dignité. Cette loi naturelle est aussi inscrite dans le code pénal qui punit « l’outrage à la pudeur ». Certes, les limites de la pudeur et de la décence ont sans doute évolué au fil des siècles mais il semble justement pertinent de s’interroger sur cette notion alors que la nudité envahit l’espace public notamment par le biais de la publicité.

La pudeur, propre à l’être humain, humanise la sexualité, elle nous différencie des animaux et invite les enfants et les adolescents à comprendre que leur corps n’est pas une enveloppe distincte d’eux, n’est pas une chose ; leur corps c’est eux.

Ni pudibonderie* ni exhibitionnisme !

La pudeur n’est pas la honte du corps ou de la sexualité. Au contraire, c’est l’intégration de la sexualité au service de l’unité de la personne : corps, cœur et esprit. C’est comprendre peu à peu la grandeur et la beauté du corps et de la possibilité de donner la vie.

Un apprentissage en famille.

La pudeur s’acquiert petit à petit. Elle implique une délicatesse de la part des parents  qui tout en restant tendres et affectueux avec leur enfant, ne s’autoriseront pas les mêmes gestes et attitudes avec lui à 6 mois, à 6 ans ou à 16 ans. Ainsi, prendre le bain avec son nourrisson ou le laisser dormir contre soi, sont des attitudes sécurisantes alors que plus tard, elles peuvent brouiller les limites, gonfler le sentiment naturel de toute puissance de l’enfant, érotiser inutilement son corps et la relation et ainsi l’insécuriser.

Par ailleurs, la pudeur doit aussi être au coeur des réflexions des professionnels de la petite enfance. Ainsi, Françoise Dolto préconisait que les espaces de change du bébé soient à l’écart, dans un lieu calme et à l’abri des regards pour respecter l’intimité de l’enfant dès son plus jeune âge. Plus tard, l’acquisition de la propreté invite à la même délicatesse. Le pot ne trône pas au milieu du salon parmi les invités. On apprend à l’enfant à s’approprier et respecter son intimité.

Respecter la nudité de l’enfant c’est l’aider à prendre conscience du trésor de son intimité et par conséquent de son unicité. Oui, je suis un être distinct de mon parent ! Le respect de l’intimité se décline sur bien d’autres plans que celui du corps ou de la nudité ; c’est s’assurer que l’enfant a un espace à lui, sa chambre par exemple.

Respecter l’intimité de son enfant, c’est aussi ne pas lui imposer la nudité de ses parents particulièrement pendant l’adolescence, période où le pulsionnel revient au galop. L’adolescent a déjà beaucoup à faire avec tous les changements physiques et émotionnels qu’il vit. A cet âge, le corps adulte dans sa nudité peut être vécu comme une agression et le message véhiculé : « toi et moi on est pareils, comme des potes dans un vestiaire » est déstabilisant dans la quête identitaire du jeune.

Dans l’enfance, la traversée du complexe d’Œdipe a définitivement fait comprendre à la petite fille qu’elle n’épouserait pas son père et que le petit garçon ne se marierait pas avec sa mère. Cet interdit fondamental de l’inceste désormais intégré par l’enfant a pour conséquence de lui donner sa place dans la lignée des différentes générations ; de savoir qui il est. Ainsi, la nudité en famille vécue comme l’effacement des différentes générations et des limites, est extrêmement insécurisante pour l’ado qui, précisément cherche des limites.

L’éducation à la pudeur au sein de la famille est fondamentale. Elle vient renforcer ou faire émerger ce sentiment qui existe déjà en chaque être humain. Cette éducation permet, non pas de faire du corps et de la sexualité des objets tabous, mais au contraire, d’inviter son enfant et son adolescent à s’émerveiller de la beauté de son corps et de sa capacité, un jour, à donner la vie. La pudeur c’est reconnaître la dignité de sa personne et celle des autres.
*définition de pudibonderie: pudeur excessive